La fin du XIXème siècle et le début du XXème furent riches en journaux satiriques. Journalistes et dessinateurs s’exprimaient avec verve sur les sujets politiques, les moeurs, la société, les religions.
C’est le 4 avril 1901 que Sigismond Schwarz fonde l’Assiette au Beurre au format 25×32 qui parait chaque semaine jusqu’au 15 octobre 1912, soit 593 numéros (et quelques hors série).
Les particularités de ce journal qui le démarquèrent et en firent son succès:
- il ne contient que des dessins (dont la moitié en couleurs) au nombre de 16 par numéro (parfois plus), hormis quelques rares textes dans les derniers numéros,
- tous les dessins dans un numéro sont en général confié à un seul dessinateur,
- chaque numéro (hormis la première vingtaine) est centré sur un thème précis.
Chaque numéro interpelle le lecteur, même un siècle plus tard, par le sens critique aigu, la vivacité du regard porté, la cruauté des dessins.
Sur près de 10 000 dessins, tous les sujets de la société ont été abordés avec une constance: la dénonciation, la révolte, ce qui fit classer rapidement la revue comme anti « tout »: anti-cléricale, anti-militariste, anti-fonctionnaire, anti-capitaliste…
Elus, juristes, instituteurs, banquiers, policiers…chacun à tour de rôle sera un jour « croqué » par l’Assiette.
Destinée à une classe bourgeoise plutôt de gauche, l’Assiette au Beurre faillit disparaitre dès 1904 lorsque son créateur fit faillite, reprise par A. de Joncières, celui-ci y consacra une partie de sa fortune jusqu’à faire faillite à son tour!
Tous les dessinateurs de l’époque y participèrent:
- qu’ils soient confirmés et encore connus de nos jours comme Caran d’Ache, Poulbot, Benjamin Rabier, Léandre, Abel Faivre, Joseph Hémard…
- ou qu’ils soient tombés dans l’oubli bien que contributeurs très actifs comme Grandjouan, Jossot ou Delannoy.
Quelques peintres et des écrivains (Anatole France, Léon Bloy…) firent de brèves apparitions dans la revue.
Plonger dans les n° de l’Assiette au Beurre un siècle plus tard est une expérience enrichissante tant par les idées exprimées à l’époque que par la qualité des dessins.
Il est assez aisé de trouver les 450 premiers numéros, sur les sites d’enchères comme chez les bouquinistes. Mais les difficultés financières des dernières années conduisirent à un tirage plus faible rendant l’acquisition des dernières dizaines de numéros plus aléatoire, plus difficile et surtout plus onéreuse pour l’amateur.
Compter quelques euros par numéro jusqu’à plusieurs dizaines d’euros pour les numéros plus rares où ceux dont le dessinateur est particulièrement recherché.
On trouve aussi des éditions reliées par années, chaque volume se négocie alors plusieurs centaines d’euros.
Ces revues sont rarement en très bon état, elles accusent souvent leur âge!
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Dans le n° 303 de janvier 1907, une page liste la totalité des numéros parus et propose d’acheter la série complète pour 150 Francs payables en 30 mois! |
Qualité des dessinateurs, quantité des dessins couleurs, longévité, diversité des thèmes en font, pour beaucoup de passionnés, la revue satirique la plus intéressante du monde.
Dans la liste des 593 numéros, une quarantaine de titres ont retenu toute mon attention car ils abordent des thèmes de santé au sens large comme:
- les métiers médicaux: médecins, chirurgiens, dentistes, infirmiers, pharmaciens, carabins
- les fléaux et maladies: syphilis, saturnisme, choléra, tuberculose, suicide
- les addictions: tabagisme, alcool
- la reproduction: maternité, paternité, grossesse, accouchement, avortement
- le monde médico-social: assistance publique, vieillesse, retraites, mutualité, médecine du travail.
Ces numéros réalisés par des dessinateurs différents constituent un très bel ensemble sur le monde médical et un magnifique témoignage sur ce début du XXème siècle qui vit l’avènement de la médecine moderne.
Il y a peu ou pas d’humour dans ces numéros, l’impact n’en est que plus fort.
L’amateur trouvera une masse d’informations dans l’excellent, bien qu’ancien, livre d’Elisabeth et Michel Dixmier: « L’Assiette au Beurre » – Editions François Maspero – 1974
On y trouve notamment un recensement des dessins classés par thèmes et années, une étude poussée sur les thèmes et les dessinateurs, un regard historique ainsi que la liste détaillée des 593 numéros et hors série.
* signifie que je possède le n°
- *n° 32 : L’assistance publique
- *n° 51 : Les médecins
- *n° 89 : Les filles-mères
- *n° 98 : Les bouilleurs de cru
- *n° 107 : Les pharmaciens
- *n° 120 : Bistrop 1er
- *n° 173 : Asiles et fous
- *n° 178 : La graine
- *n° 187 : Les écorcheurs
- *n° 207 : Les avariés
- *n° 210 : Le blanc de céruse
- *n° 220 : Les gueules de bois
- *n° 233 : Le sanatorium
- *n° 240 : La mutualité
- *n° 257 : Les retraites ouvrières
- *n° 278 : La mendicité
- *n° 288 : L’alcool
- *n° 303 : Les métiers qui tuent
- *n° 315 : Les faiseuses d’anges
- *n° 330 : Les poivrots
- *n° 338 : Faisons des enfants
- *n° 354 : Fillettes de joies
- *n° 357 : Il faut manger pour vivre
- *n° 361 : Les vagabonds
- *n° 372 : La vérité sur la crise de l’amour
- *n° 378 : Les voix du sang
- *n° 393 : V’la l’choléra
- *n° 409 : Les naissances
- *n° 413 : Les culs de jatte
- *n° 426 : Le tabac
- *n° 438 : Les suicides
- *n° 441 : Maternités
- *n° 449 : A l’infirmerie
- *n° 468 : Les réformes du travail
- *n° 482 : Purgon et Diafoirus
- *n° 484 : La recherche de paternité
- *n° 490 : Les vieux
- *n° 511 : La guerre aux bistros
- *n° 519 : Les carabins
- *n° 528: Les familles nombreuses
- *n° 531 : Le bilan des retraites ouvrières
- n° 561 : Les peaux humaines
- n° 567 : Les dentistes
- *n° 573 : les bars
- n° 579 : Les retraitées
- n° 582 : Propos de femme saoûle
- *HS : Les empoisonneurs patentés : les falsificateurs de lait
Je suis preneur des n° que je ne possède pas encore: 561, 567, 579, 582