Céline Boussié: parcours d’une lanceuse d’alerte
Ferenc
Sanz
La Boite à Bulles
2023
Album broché de 126 pages au format 17×24 cm
Cet album raconte l’histoire de Céline Boussié, aide-médicale psychologique dans l’établissement pour enfants handicapés de Moussaron dans le Gers, licenciée pour avoir dénoncé les actes de maltraitance de cet institut médico-éducatif en 2013 et reconnue comme lanceuse d’alerte.
Pourtant ce château du XIXème siècle semblait idyllique pour accueillir des enfants polyhandicapés.
Céline Boussié quand elle intègre l’IME en 2008, est enthousiaste et pleine d’illusions. Après avoir fait différents emplois comme auxiliaire de vie à domicile ou en Ehpad, on lui avait décrit un endroit certes isolé mais merveilleux avec un immense jardin où les enfants polyhandicapés pouvaient s’épanouir.
Dès les premiers jours, elle doit s’occuper des jeunes enfants les plus lourdement handicapés et remarque rapidement l’absence d’ascenseur pour les enfants en fauteuil roulant du 1er étage (il n’y a qu’un monte-charge), la promiscuité du linge, des poubelles, des repas, des douches…Une seule voiture déglinguée pour transporter nourriture, poubelles et linge à la ville.
Après quelques mois, Céline change de bâtiment, elle doit s’occuper d’adultes tout aussi lourdement handicapés et là elle tombe en enfer: camisoles, lits trop petits, adultes dans leurs excréments. C’est là qu’elle découvre le manque de WC, d’intimité, de personnel. En attendant la relève de nuit, tous restent seuls pendant une heure! La nuit seulement deux salariés pour 80 pensionnaires répartis dans trois bâtiments. A partir de là, Céline va constater toutes les dérives comme la restriction de nourriture, les accès de maltraitance de certains de ses collègues. Elle en réfère à sa hiérarchie qui minimise, l’incite à s’occuper de ses affaires.
En mars 2009, elle trouve une pensionnaire dans le coma, appelle l’infirmier qui ne se déplace pas, le directeur qui ne fait rien. Céline rentre le soir bouleversée et appendra que la jeune comateuse est décédée quelques jours plus tard à l’hôpital. Après un autre incident où un pensionnaire se brûle contre des tuyaux beaucoup trop chauds, non aux normes, le directeur menace de porter plainte contre elle. La direction n’arrête pas de lui dire que les pensionnaires ne sont pas là pour progresser ou gagner en autonomie. Entre 2010 et 2011, 20 salariés démissionnent, ne supportant pas ce qu’ils voient et subissent.
Punition des pensionnaires enfermés dans le noir des jours voire des semaines, violences verbales ou physiques, humiliations deviennent la prise en charge habituelle des pensionnaires. A cette époque Céline découvre que dès 1995 et 1999, 2 salariées ont tenté déjà de dénoncer cette maltraitance, elles ont été condamnées pour diffamation! De nombreux courriers ont été envoyés aux autorités de l’époque à de nombreuses reprises mais rien n’a bougé!
Mai 2013, Céline craque et se retrouve en arrêt de travail. Elle contacte les salariés démissionnaires ou virés pour incompétence. Elle monte un dossier pour l’Agence Régionale de Santé qui enfin réagit et lance une inspection avec un rapport pointant les dysfonctionnements.
Parallèlement Céline écrit au Président de la République, au Premier Ministre, aux partis politiques, à Philippe Croizon…
Cela porte ses fruits, politiques et médias s’emparent enfin du sujet. Les directeurs sont remplacés.
Mais c’est la fille de de l’ex-directeur qui est nommée comme administrateur provisoire! Et les adjoints et chefs de service restent en place!
L’émission de Zone Interdite révèle, après une visite des lieux en caméra cachée, le traitement subi par ces enfants et adultes à la France entière.
Les débats se déchainent, de haine comme de soutien. Certains élus locaux minimisent les faits. Un des bâtiments est fermé en même temps que 35 places. La plupart des 35 enfants sont envoyés en Belgique, faute de place en France, contre l’avis des parents souvent. Un torrent de haine déferle sur Céline, sur les réseaux sociaux, par tracts. Même les salariés de Moussaron lui en voudront de mettre leur emploi en danger.
En mai 2014 elle est licenciée pour inaptitude! L’ARS n’a jamais déposé plainte mais Céline est poursuivie par l’IME pour diffamation. Son procès est fixé en septembre 2016, elle gagnera enfin. Toutes les plaintes de parents contre l’établissement et la direction seront classées sans suite!
J’avais oublié cet épisode révoltant à plus d’un titre, merci aux auteurs de nous rafraichir la mémoire et au courage de Céline Boussié d’avoir dénoncé ces faits odieux.
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