Marjolaine Biamonti: interview

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Après être entré en contact avec Marjolaine, je lui ai proposé une interview épistolaire, exercice qu’elle a accepté avec enthousiasme.
Je la remercie vivement pour sa gentillesse et pour l’ensemble de la documentation qu’elle m’a envoyé.
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Copyright Marjolaine Biamonti/L’Aide Soignante n° 99 – Août/Septembre 2008

Interview réalisée en mai 2009.

Q1: Pouvez-vous nous parler un peu de votre parcours professionnel? Comment passe t-on de l’école d’infirmière à dessinatrice/éditrice?
R: Enseignante en école d’infirmière, j’ai commencé par faire des croquis anatomiques au paper-board pour expliquer le corps humain ou le siège des maladies. Puis j’ai agrémenté mes cours par des dessins et des montages de diapos… Cette approche pédagogique s’est avérée très intéressante pour les élèves infirmières.

Q2: Avez-vous toujours dessiné, ou cette envie, cette disposition s’est-elle développée une fois entrée dans la vie professionnelle?
R: Oui, j’ai toujours dessiné. A l’école, c’était bien le domaine où j’excellais.
Mariée, j’ai élevé mes enfants et je ne pensais pas retravailler, j’ai donc peu dessiné à cette période de ma vie avant de reprendre mes activités d’infirmière et de pédagogue.

Q3: Vous faites de la formation et vous utilisez vos livres comme support, est-ce votre activité principale ou est-ce le dessin?
R: Mon activité principale a été jusqu’à présent l’enseignement dans le cadre de la formation professionnelle des professions de santé.
Mes dessins et livrets constituaient des supports pédagogiques. Depuis quelques années, je développe  davantage une activité d’illustratrice et d’artiste peintre. Je me suis mise à l’aquarelle et plus récemment à l’huile et je participe aux expositions organisées chaque été sur la Côte normande.

Q4: Vous publiez des planches illustrées dans deux revues spécialisées “La  revue de l’infirmière” et “L’Aide-soignante”. Un recueil de ces planches est-il envisageable un jour?
R: Les documents publiés appartiennent, en principe, à l’éditeur Elsevier-Masson qui, pour l’instant, n’envisage pas de les rééditer sous la forme d’un recueil ou d’un album.

Q5: Vous souvenez-vous de votre premier dessin paru dans une revue? Quelles émotions ressent-on quand on découvre ainsi son dessin?
R: C’était en 1981. La “Revue de l’Infirmière”, alors éditée par La Croix-Rouge Française, avait accepté
de publier une planche illustrée sur l’incontinence. Un industriel suédois de la parapharmacie, Mölnlycke “Tena” a demandé à utiliser le document et a souhaité me rencontrer. Après un entretien avec les responsables du marketing de cette société, j’ai eu une proposition d’embauche pour réaliser pour cette société des documents pédagogiques: affiches, vidéos, ainsi qu’un journal interne “Ma Mie Blues”…Après avoir quitté la fonction publique, j’ai travaillé cinq ans dans cette entreprise et j’ai suivi des formations en communication écrite.
Quelques années plus tard, une société française concurrente ID, m’a demandé de réaliser un premier album “Si l’incontinence m’était contée” coédité avec les Editions Frison-Roche. Par la suite, travaillant en profession libérale comme formatrice dans le domaine de la santé, j’ai créé ma propre structure pour les autres éditions de cet album.
En ce qui concerne l’escarre, j’ai réalisé l’album “L’escarre, prévenir, c’est guérir” en coédition avec les Laboratoires Rivadis

Q6: Lorsque vous dessinez pour une revue, dessinez-vous selon un thème imposé ou avez-vous toute liberté?
R: J’ai toute liberté pour réaliser les petites BD en trois vignettes actuellement publiées en bas de page dans “L’Aide-soignante”. je propose des idées de scénario avec des esquisses en N&B et ils choisissent ceux qui leur conviennent que je réalise ensuite en couleur à l’aquarelle.
Pour l’illustration des articles, la rédaction m’adresse préalablement les textes, et je propose plusieurs esquisses de dessins et la rédactrice en chef en choisit 1 ou 2 par article.

Q7: Combien de temps prend la réalisation d’une planche illustrée?
R: Une BD en trois vignettes me demande environ une journée de travail.
Une planche de 12 croquis, dessinée au format A3 pour être réduite en A4, demande de 3 à 4 jours, en fonction du thème et des recherches documentaires éventuelles.

Q8: Vous avez réalisé plusieurs livres richement illustrés sur le  thème de l’incontinence et de l’escarre. Ces livres sont-ils uniquement  destinés aux personnes assistant à vos formations? Peut-on se les procurer par ailleurs ?
R: Ils s’adressent au personnel soignant mais aussi à l’information des patients. Le dernier ouvrage sur l’incontinence traduit en trois langues peut être obtenus chez Ontex Healthcare (ex-ID) L’association d’aide aux personnes incontinentes (AAPI) diffuse aussi mes albums. De mon côté, je les remets aux participants à mes formations mais j’en ai relativement peu vendu car je ne souhaite pas disposer d’une véritable structure commerciale.

Q9: Utilisez-vous l’outil informatique (palette graphique…) ou faites-vous toujours vos dessins de façon traditionnelle (crayons, couleurs..). L’outil informatique facilite-t-il votre travail (envoi du dessin à l’éditeur, retouches, mise en pages..)?
R: Je dessine de façon traditionnelle à l’aquarelle sur papier Canson en collant directement les bulles faites sur ordinateur et les revues traitent le dessin au scanner. Je puis par ailleurs réaliser la mise en page complète de mes albums sous la forme de double page. Le choix des dessins, les corrections et les relations avec les rédactions des revues se font par télécopie ou par e-mail.

Q10: Trouvez-vous la période actuelle propice à la communication  médicale sous forme de bandes dessinées? Le milieu médical est-il un bon public ou au  contraire pense-t-il encore qu’une BD peut difficilement aborder des sujets “sérieux”?
R: Le milieu médical n’apprécie pas toujours les dessins. J’ai eu naguère des difficultés dans mon école d’infirmières : les élèves appréciaient l’approche pédagogique illustrée mais pas ma directrice!
Il y a quelques années, lorsque j’étais présente aux réunions des comités de rédaction, quelques cadres infirmiers n’étaient parfois guère favorables à mon travail. Ces dernières années, avec Elsevier-Masson les relations sont bonnes et tout se passe bien, mais je n’ai pas d’écho direct de l’impact de mon travail d’illustratrice sur le lectorat.

Q11: Vous avez aussi réalisé de nombreuses planches pour des associations, des laboratoires pharmaceutiques. La baisse des budgets de ceux-ci, les difficultés de la presse médicale depuis quelques années ont-elles une incidence sur votre travail?
R: J’ai longtemps pensé que des laboratoires ou des hôpitaux m’adresseraient des demandes d’illustration,  comme cela a été le cas pour mes premiers albums de BD coédités avec Rivadis, ID ou Ontex.
La principale difficulté n’est pas de réaliser des documents, mais d’intéresser un “sponsor” et les problèmes de budget restent préoccupants. J’ai réalisé des actions ponctuelles avec des associations, des cliniques et même avec l’AP-HP.

Q12: Quels sont pour vous les avantages de ce support pour  communiquer sur un sujet médical?
R: Les sujets que j’ai traités jusqu’à présent ne sont pas très drôles (incontinence, escarre…) mais, pour les soignants, c’est une façon de les aborder de manière plus imagée, voire plus ludique et moins crue qu’avec des photos. Mes documents ont aussi été un moyen de me démarquer des mes concurrents quand je participais aux appels d’offres en formation continue. J’ai notamment élaboré un dossier de soins gériatrique qui utilise des pictogrammes qui représentent les soins. On les saisit à l’aide de code-barres sans nécessiter de frappe au clavier. Ce dossier pictographique a connu un certain succès grâce à son côté pratique qui visualise clairement la charge de travail et facilite les transmissions.

Q13: De nombreux dessinateurs utilisent internet et les blogs pour étendre leur lectorat, faire connaitre leurs travaux. Visitez-vous de tels blogs? Pensez-vous un jour vous utiliser ce support?
R: Je me sers encore peu d’Internet, surtout par manque d’habitude. Je projette de créer un site pour mes planches et mes albums mais aussi pour faire mieux connaître mes aquarelles et mon travail artistique.

Q14: Avez-vous de nouveaux projets dans le domaine de l’illustration ou de la BD médicale? Pouvez-vous nous en dire plus?
R: J’aimerais publier une histoire de la médecine ou des infirmières ou illustrer des biographies de personnalités médicales par exemple Florence Nightingale, Henri Dunand, ou Semmeilwess…
J’ai quelques archives et documents sur tous ces sujets, mais je puis illustrer n’importe quel sujet de “santé”
en m’informant notamment auprès de spécialistes. J’ai aussi réalisé des planches “historiques” pour une Revue lorraine de généalogie.
Enfin, résidant en été près de Dieppe, je souhaiterais faire une BD sur l’historique des bains de mer. Les costumes seraient “croquignolets” à illustrer…

Q15: Lisez-vous des bandes dessinées? Quel est votre auteur favori? Quelle est dans ce cas votre dernière lecture?
R: En fait, je lis peu de BD et préfère les livres classiques. Je connais bien sûr quelques grandes signatures : Goscinny, Bretécher, Tardi, Hugo Pratt, Bilal…
J’aime beaucoup les dessins publiés dans la presse et j’apprécie naturellement Plantu, Cabu, Pétillon, Nicolas Vial, et bien d’autres.

Mille mercis pour cet échange passionnant!
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Copyright Marjolaine Biamonti/Revue de l’infirmière n° 37 – Avril 1998

 

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