Putain de Covid

L’interne de garde
Védécé
Hachette
2020
Album cartonné de 92 pages au format 21,5×30,5 cm.

Védécé (Vie de carabin) publie des dessins depuis le début de ses études médicales, il y a une dizaine d’années, sur la vie des étudiants. Regard sans concession sur le monde hospitalier et de la santé.
Il ne pouvait pas ne pas s’exprimer sur la crise sanitaire du Covid qui a bouleversé le monde courant 2020.
Cet album est écrit par un interne en réanimation qui a tenu un carnet de bord durant 35 jours, pour ne pas oublier et illustré par le dessinateur Védécé.
La proportion de textes par rapport aux dessins aurait voulu que ce titre soit listé dans les albums illustrés et non dans la partie BD, mais l’importance du sujet et de son dessinateur m’en ont fait décider autrement.
J1, le témoignage débute le 16 mars, alors qu’il y a déjà 148 morts en à peine 15 jours en France, l’auteur s’était absenté 8 jours de son service. Il a quitté son poste une semaine avant avec les premiers décès en France, il revient avec un déferlante qui se profile et la panique totale dans les hôpitaux, les services de réanimation.
L’interne est d’emblée au front, neuf entrées le jour de son retour. Son chef l’appelle plusieurs fois la nuit pour élaborer des stratégies, pour accueillir les renforts (anesthésistes), annuler tout ce qui n’est pas urgent, faire le tour des stocks de matériels. Organiser le Samu pour recevoir des centaines d’appels, récupérer des respirateurs ailleurs, transformer des chambres normales en chambre de réa.
Ces collègues de l’Est sont déjà débordés, hors capacité. Il se prépare à affronter l’apocalypse dans les semaines à venir.
Ceux qui rentrent se dégradent en quelques heures seulement. Les scopes sonnent comme les téléphones (les familles qui appellent mais pour qui ils n’ont pas temps de répondre). Il faut déjà annoncer les premiers décès aux familles.
Et l’heure des choix arrive déjà. Prend-on ce patient dans le service ou non?
Fin de garde, il chiale…
J3 deux jours après, le nombre de morts a déjà doublé. Tout comme le service qui s’étend et reçoit toujours des renforts. Les gardes de 24 h s’enchainent.
La réserve de masques FFP2 a été forcée!
J4 il repart pour 20 jours d’affilée entre son service et d’autres urgences d’autres hôpitaux de la région, parfois éloignés de plusieurs heures. Les contrôles sont nombreux sur la route.
J9 plus de 1 000 morts. Il n’y a plus de masques, de médicaments, de lits! Il faut maintenant refuser les personnes les plus âgées sachant qu’elles vont en mourir. Des jeunes sont touchés aussi, parfois sportifs. Les patients arrivent vivants et leurs familles viennent les rechercher, tous morts.
J11 après avoir peur pour leurs proches, c’est maintenant pour eux-mêmes qu’ils ont peur. Le décalage entre ce qu’ils vivent en réanimation et ce qui se dit dans les médias est complet. Déjà des soignants évoquent raccrocher quand la crise sera passée. Mais le pic n’est toujours pas là.
J12 déjà 2000 morts, toujours aucun survivant dans le service. Et les premiers collègues qui sont atteints.
J13 Lessivé, débordé, enchainant les gardes il écoute à la radio « comment occuper son temps de confinement ». Décalage total.
J15 cap des 3000 décès. Les heures sup ne seront pas payées sauf réquisition, autant dire jamais. Les jours s’enchainent et se répètent. On commence à évoquer des surblouses avec des sacs poubelle! On transfère des malades ailleurs par hélico.
J21 léger mieux, les premiers patients extubés et sortant du service vivants.
J23 déjà 10 000 morts. Il manque de tout, il faut passer son temps à chercher du matériel de base, des consommables.
J26 on dépasse 13 000 décès. Tous sont épuisés par la charge de travail, la charge mentale, les insomnies.
J29 15 000 est atteint puis 18 000 à J32. Les vides greniers reprennent dans les villes La pression se relâche un peu sur le service de réa. Les patients continuent à être extubés, reparlent.
Monsieur D est en réa depuis 6 semaines, un des premiers admis, mais il est réveillé, il sourit. Et il est sortant tout le service est ému, présent.
J35  près de 20 000 morts, la crise s’estompe, après il faudra penser à revenir un simple interne après avoir assumé tant de responsabilités.

Un témoignage à ne pas oublier, bouleversant, heureusement agrémenté des nombreux dessins souvent très drôles de Védécé.

Putain de Covid
Copyright Védécé/Hachette
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