Un déni sanitaire
Mélanie Dechalotte
Pierrick Juin
Les Echappés
2023
Album broché de 128 pages au format 19×26 cm.
Ce livre comme celui sur l’amiante, le Médiator, la cigarette, est un album « enquête » sur un sujet sensible qui soulève de nombreuses questions: pourquoi dans 3 départements il y a t-il eu un taux de naissances de bébés sans bras ou sans main anormalement élevé?
En 2018 il est relevé aux médias un nombre anormal de malformations dans l’Ain puis en Loire Atlantique et dans le Morbihan.
Tout débute en 2010, dans le cabinet du Dr Laurin qui examine Flore, bébé de 15 jours, née avec une agénésie de l’avant-bras gauche. Trois mois plus tard, c’est Kévin qui nait sans bras droit. En fin d’année, ce sont 4 enfants nés sans bras dans quelques proches villages de l’Ain.
Premier signalement à l’Agence Régionale de Santé, avec 7000 naissances par an dans le département, on s’attend à une seule malformation de ce type par an, pas 4 concentrées sur un petit périmètre.
Mais l’Etat rechigne d’emblée à mettre les moyens nécessaires pour faire une enquête départementale.
En 2018, 8 bébés sont nés malformés dans l’Ain en 5 ans, mais aussi 4 dans le Morbihan en 3 ans et 3 en Loire Atlantique en 2 ans!
Deux hypothèses sont alors envisagées: l’eau ou la respiration de produits toxiques. Sont envisagés des peintures, des pesticides, des polluants chimiques variés, des champignons..
Santé Publique France chargée des enquêtes, ne produit que des inspections peu fouillées…
En partie parce qu’il n’existe pas de registre des anomalies à la naissance dans notre pays.
De plus il est très difficile d’obtenir des informations fiables auprès des distributeurs d’eau potable. De même que pour les produits phytosanitaires, difficile de recueillir des données sur les périodes d’épandage, les produits utilisés, les quantités.
Hervé Gilet ingénieur agronome a fait une enquête approfondie, toutefois il reste difficile d’incriminer telle ou telle substance, d’autant que de nombreuses molécules nouvelles sont testées en vue d’autorisation de mise sur le marché, sans aucune transparence.
Avec des enjeux économiques se chiffrant en milliards d’euros source de lobbying intense. Le trafic de produits interdits ou de contrefaçon est courant dans le monde agricole. Quand des trafiquants sont arrêtés, ils sont rarement condamnés à de lourdes peines. Quand un produit phytosanitaire suspect est saisi, l’analyse repose sur des laboratoires trop rares et trop coûteux.
Pas assez de contrôles, pas de données fiables et accessibles expliquent certainement l’apparition de clusters aléatoires de malformations dans notre pays.
En 2018, l’affaire des bébés sans bras fait la une des journaux, le ministère de la santé confie l’enquête à ceux-là même qui nient l’existence de cluster depuis des années….!
De grandes déclarations rassurantes tentent d’enterrer l’affaire, des pressions variées sur les familles, les chercheurs lanceurs d’alerte et tout cela débouche sur des classements sans suite à ce jour.
On referme cet album avec un parfum de déjà vu hélas, notre système de santé publique montre une fois de plus ses failles et ses incompétences.
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